Obscur gratte-papier dans une grande entreprise, Sylvain Vasseur est mis en pré-retraite d’office à l’occasion d’un plan social. Histoire de faire passer la pilule, son patron lui suggère d’occuper ses journées à l’écriture d’un roman. Parce qu’il vénère son patron et parce qu’il est imbu de lui-même, Vasseur le prend au mot, plonge tête la première dans l’aventure littéraire et se met à rêver d’un destin d’auteur à succès. Et c’est là que le vertige commence.
Attention, si vous-mêmes taquinez les muses à vos heures perdues, je vous préviens, ce roman fait mal à l’ego. Cependant, une fois passée l’étape « mais il parle de moi, là ! », il est des plus réjouissants et se lit avec jubilation, comme on déguste une gourmandise.
Peinture au vitriol du monde de l’édition, mais aussi de l’entreprise et des media, le vertige des auteurs n’épargne personne, et fait défiler une galerie de personnages succulents, du cynique présentateur télé Jean-Pierre Lavenu (ça ne vous dit rien ?) aux vieilles gloires littéraires alcooliques et libidineuses, de la bibliothécaire nunuche aux jolies journalistes ignardes... Le bal des hypocrites, en pire.
C’est très drôle, et en même temps ça devient un brin tragique au fil des pages, car on sent vite que cette histoire va mal finir. Ce pauvre Vasseur, minable vaniteux, gonflé d’orgueil et de mépris pour autrui, est aussi un pauvre naïf, manipulé et humilié en permanence. Il va de déboires en déconvenues, essuie des centaines de lettres de refus, hante les concours de nouvelles de troisième zone et les salles d’attente d’éditeurs indifférents, assiste inconscient au naufrage de sa vie privée, mais persiste dans sa folie. Pathétique.
L’humour féroce, le style percutant, les formules qui font mouche, et enfin le réalisme saisissant de certaines séquences, font de ce roman un excellent moment de lecture qui ne doit pas pour autant décourager chacun de se lancer dans l’écriture. Au contraire, un averti en vaut deux et ce récit, qui sent l’expérience vécue, est écrit par un auteur aujourd’hui publié dont le dernier roman marche très fort. Pour le découvrir, son blog.
Les avis de Cuné, Florinette, Biblioblog, Turquoise, Essel...
Le Vertige des auteurs, Georges Flipo, Editions Le Castor Astral, 2007, 273 pages.