Par un soir de pluie au Mans, un homme seul traîne sa lassitude de vivre, quand soudainement, au café de la gare, il rencontre son sosie. Sosie exact, troublant, une ressemblance à couper le souffle. Saisis, les deux hommes entament la conversation, font connaissance. L’un (John) est anglais, professeur d’histoire, en vacances désœuvrées en France, seul et dépressif. L’autre (Jean de Gué) est un aristocrate de province, brillant, élégant et désinvolte, pourvu de nombreuses relations et d’une accablante famille. Tout pourrait ressembler à une heureuse rencontre entre deux êtres que tout sépare ; ils parlent, rient, boivent, jusqu’au moment où une idée perverse naît dans l’esprit du jeune comte. Devenu prisonnier d’une identité usurpée, John parviendra-t-il à sortir du piège infernal où il est tombé ?
Ce fut une bien jolie découverte que ce roman de Daphné du Maurier. J’avais lu les plus connus (Ma cousine Rachel, Rebecca, l’Auberge de la Jamaïque), je n’avais jamais entendu parler de celui-là, découvert par hasard au Salon du Livre l’an dernier.
On retrouve l’ambiance étouffante propre à cet auteur, le suspense, la peur, les secrets progressivement dévoilés, la montée de la tension jusqu’au dénouement. Ce livre aurait sans doute fait un excellent film d’Hitchcock (qui a adapté de nombreux romans de Daphné du Maurier). Quant au cadre, il sert l’ambiance, comme souvent dans ces romans; un château brumeux dans la Sarthe, un parc fantomatique, où évoluent des personnages chargés de secrets, des haines recuites inexplicables, le tout donne un huis-clos familial poignant.
La bonne idée de cette intrigue réside dans le fait de parachuter John au sein d’une famille dont il ne sait rien, mais où il est forcé de jouer la comédie, car tout le monde le prend pour l’autre. De ce fait, le lecteur s’identifie immédiatement à lui, ses interrogations sont les nôtres, ses doutes, ses gaffes aussi. Et de bévues en bévues, c’est l’ensemble du drame familial qui nous est révélé par petites touches, un procédé très habile.
A lire quand vous avez le moral car c’est un livre plutôt spooky, mais aussi ensorcelant jusqu’à la dernière page, et c’est son grand charme.
Le Bouc émissaire, Daphné du Maurier, Editions Phébus, coll. Libretto, 1998 (édition originale 1957), 375 pages.