Lassés par la médiocrité de l’actualité littéraire, fatigués des supermarchés du livre, agacés par la critique littéraire servile, un libraire et une mécène idéalistes s’associent pour créer une petite librairie où ne se vendront que de bons romans, que des chefs-d’œuvre, que les romans passionnants, les romans « nécessaires », les bons romans, ceux dont on ne parle pas. Pour nourrir ce projet utopiste, ils rassemblent un comité de 8 écrivains triés sur le volet, chargés de sélectionner chacun 600 titres de bons romans, le tout constituant le fonds de départ de la librairie. Contre toute attente, Au bon roman rencontre un franc succès, les ventes décollent, le Tout-Paris s’enflamme, et c’est alors que les problèmes commencent. Menaces, agressions, apparemment la démarche dérange. Mais l'ennemi reste invisible.
Je découvre cet auteur, mais je sens que je vais faire une razzia sur ce qu’elle a écrit auparavant. Une découverte très réjouissante. J’ai trouvé l’idée de départ à la fois très originale et en même temps évidente. L’intrigue a un petit côté conte philosophique où se mêlent les codes du roman policier.
Sur le fond, l’articulation entre le récit à suspense (qui s’en prend au Bon Roman ?) et le débat littéraire est très réussie. Car l’histoire est l’occasion d’une plaidoirie ; pour ou contre l’élitisme, la sélection, l'exigence. Entre d’un côté les tenants de la littérature soit-disant populaire, du relativisme en matière de goût littéraire, qui dénoncent un snobisme bourgeois, et de l’autre les militants du Bon roman, de la qualité, du rêve, du style, on ferraille dur et c’est passionnant. Au passage, les blogs littéraires prennent vigoureusement part à la polémique (dans quel camp, à votre avis ?), c’est assez amusant.
Sur la forme, j’ai été un peu agacée par l’intrusion d’un personnage qui parle à la première personne à partir du milieu du roman, et dont on découvre finalement l’identité sans que ça apporte grand-chose à l’histoire. Une fioriture inutile à mon avis qui nous distrait de l’essentiel, on aurait pu s’en passer. Mais c’est un détail et pour le reste, le roman est passionnant de bout en bout, servi par une langue fluide, précise, agréable.
Un bon roman, mais qui ne figurerait sans doute pas sur les étagères sur Bon Roman, qu’en pensez-vous ?
A l’instar d’autres, j’ai commencé ma liste de 600 bons romans, je plafonne péniblement à 150 pour le moment... Je ne suis pas prête d’ouvrir ma librairie ! En attendant je vais aller explorer les autres livres de L. Cossé.
Au bon roman, Laurence Cossé, Editions Gallimard, janvier 2009, 496 pages.